C’est tout le paradoxe pour le patron du groupe PSA : sceptique sur la mobilité électrique, mais « forcé » d’en vendre pour rentrer dans les clous sur le plan du CO2.
Décidément, Carlos Tavares n’a pas sa langue dans sa poche. A l’époque où il était chez Renault, secondant un autre Carlos (Ghosn), l’homme d’affaires n’était pas aussi bavard. Mais depuis qu’il dirige PSA, le big boss se lâche. On est ainsi plus sur le Carlos « punchliner » que le Carlos « chemise à fleurs et chansons drôles ». Pourquoi cette attitude de la part de Tavares ? La politique environnementale européenne, surtout, qui « force » (c’est le terme utilisé par Carlos Tavares) les constructeurs à passer rapidement à des solutions zéro émissions, sans pour autant avoir la preuve que c’est bon pour la planète.
Nouveau dieselgate ?
Carlos Tavares avait déjà prévenu : il ne faudrait pas que l’on se rende compte dans dix ans que la voiture électrique est un nouveau scandale écologique, et que l’on a fait fausse route. Mais alors, que faire ? Comment passer sous ces 95 g/km de CO2 ? Les constructeurs n’ont en effet pas le choix : il faut multiplier les hybrides rechargeables et électriques, et surtout… les vendre !
Tout le débat tourne évidemment autour des batteries. Et le problème, aujourd’hui, est que les grandes révolutions les concernant sont inexistantes. Mis à part quelques évolutions (et pas révolutions, c’est important), comme la réduction du taux de cobalt, la seule chose qui change est le coût des batteries. Mais leur conception primaire n’évolue pas : pour avoir plus d’autonomie, il faut plus de kWh, et donc plus de poids et de matières premières.
Carlos désosse
Le patron de PSA dézingue à tout va la voiture électrique. Sa dernière sortie auprès de l’agence de presse Reuters est symptômatique de sa pensée. L’homme estime que les voitures électriques « ne sont achetées que par les ‘green addicts' ». Il est franchement étonnant d’entendre ça de la part d’un patron de groupe automobile qui lance actuellement à tour de bras des voitures électriques et hybrides rechargeables (e-208, Crossback e-Tense…).
« Lorsque certains marchés arrêtent les bonus écologiques, la demande s’effondre. Aujourd’hui, la bataille consiste à avoir des véhicules électriques abordables d’ici 2025. Pour l’instant, nous ne vendons qu’aux « green addicts », et nous n’avons pas encore conquis les pragmatiques« .
C’est un fait réel : lorsqu’un pays décide de réduire les bonus écologique, la demande pour les voitures électriques s’écroule. Cela a été le cas notamment en Chine récemment. Les propos de Tavares sont donc vrais : la demande actuelle est surtout soutenue par les geeks de la bagnole à batteries, mais aussi par les entreprises. Les particuliers qui vont au travail tous les jours et qui ont besoin d’un seul véhicule dans le foyer à tout faire (vacances, travail, déplacements…) optent pour du thermique. Moins contraignant, moins cher, moins incertain dans la décote.
Et puis il y a Tesla : Carlos Tavares estime que ceux qui ont investis dans la firme californienne ont pris un « risque enormissime » : « je me préoccupe de PSA. La survalorisation de Tesla, je laisse cela à l’appréciation des investisseurs. Si un jour ça fait pschitt, eh bien, ça fera pschitt ». Ça, c’est fait.
Mais si, aujourd’hui, les patrons des marques eux-mêmes doutent de la pertinence d’une voiture à batteries, on est mal barrés…