La course de Pikes Peak n’a pas toujours été la belle et lisse montée actuelle vers le sommet, à plus de 4000 mètres d’altitude. Autrefois, il a été question de mission impossible, de cacahuètes et de chutes vertigineuses, tout ça sur un tracé terreux et sableux. Vous embarquez avec nous ?
Vous vous demandez peut-être d’où vient le nom de la fameuse course de cote Pikes Peak ? Sachez que son histoire est intimement liée à celle d’un militaire : Zebulon Pike. Le capitaine avait pour mission d’aller explorer, avec son groupe, une partie des « Rocky Mountains » du Colorado et d’espionner les forces espagnoles présentes à cette époque (début du 19e siècle) dans la région. C’est en 1805 que Zebulon Pike et son équipe découvrent le « Peak », culminant à 4302 mètres. L’intéressé n’arrivera jamais à gravir ce mont et expliquera qu’il est impossible d’y monter. Un siècle plus tard…
Début 20è, premières courses
En 1916, un entrepreneur américain décide de construire une large route montant au sommet de Pikes Peak (qui, vous l’aurez deviné, a pris le nom de celui qui l’a découvert). Le montant des travaux est astronomique pour cette période : un peu moins de 300 000 dollars, soit 7 millions de dollars actuels pour un tracé qui ne part pas d’en bas (mais plutôt des 2700 mètres d’altitude).
La même année, la course est officiellement lancée, et c’est évidemment un Américain qui gagne la première édition : un petit jeune (ici en photo) à bord d’une Romano Doman Special. Un exploit qui ne sera pas réitéré puisque Rea Lentz disparaît ensuite des radars. Il a parcouru la vingtaine de kilomètres sur terre en à peine plus de 20 minutes. Imaginez un peu la progression entre la galère de Zebulon Pike et de son expédition (il faillit mourir lors de cette tentative de montée) en 1805 et la course de Rea Lentz en vingt minutes. Que d’évolutions en un siècle de la part de l’Homme et de l’industrie !
Les courses s’enchaînent et seules les deux guerres mondiales auront raison de la montée de Pikes Peak, logiquement interrompue pendant les conflits mondiaux. Entre temps, un illuminé prénommé Bill Williams tente un pari fou : pousser une cacahuète en haut de Pikes Peak avec… le nez. Une histoire de pari stupide à 500 dollars avec un ami qui lui expliquait qu’il n’arriverait pas à aller là haut en moins de 200 jours.
L’homme installe une prothèse sur son pif pour pousser, à quatre pattes et en ligne, la cacahuète tout en haut du désormais mythique mont du Colorado. Bill Williams mettra 21 jours pour atteindre le sommet, après avoir usé 150 cacahuètes, et des dizaines de pantalons…
Arrivée des étrangers…
Au début des années 80 arrive la vague européenne. Michèle Mouton d’abord, sur une Audi Quattro, la Française affichant un temps d’un peu plus de 11 minutes. Et puis Ari Vatanen, avec sa fameuse montée en Peugeot 405 Turbo 16, main levée pour s’abriter du soleil aveuglant sur les derniers lacets. C’est aussi une période où les Japonais commencent à montrer de l’intérêt pour Pikes Peak. Un certain Nobuhiro Tajima se met en tête de gravir la montagne et ses 20 km à bord d’une Suzuki. Sur le papier, rien de bien affolant, mais son Escudo est un engin démoniaque.
Les premières versions étaient à bimoteur : un quatre cylindres turbo 1.6 par essieu, pour une puissance totale de 900 ch et un poids de 900 kg. On vous laisse imaginer les performances de cette Escudo (elle était en fait une vague base de Vitara), qui fera par la suite appel à un V6 2.8 turbo de près de 1000 ch, sur une caisse en perte de poids à 800 kg. L’Escudo avait un avantage sur les rivales américaines à gros moteur atmosphérique : une perte « moindre » de performances due à l’altitude grâce à la suralimentation (rappelons que plus on monte, moins il y a d’oxygène, et donc moins les moteurs sont performants).
Les amoureux de Gran Turismo se rappellent avec émotion cette auto qui, une fois préparée, permettait d’atteindre des vitesses inavouables en jeu, et écrasait toute la concurrence…
…. et des électriques
La course de Pikes Peak a pris deux tournants : le premier en 2011 avec la transformation complète de la montée, qui ne se fait désormais plus que sur asphalte. Dès le début des années 80, certains ont tenté la course en électrique, mais l’émergence de ces véhicules chez les grosses écuries ne s’est faite que très récemment. Volkswagen a pris le record absolu de la montée avec l’ID.R pilotée par Romain Dumas en moins de huit minutes.
Imaginez un peu ce que penserait aujourd’hui Zebulon Pike à la vue d’un tel temps et d’une telle facilité… Bon, avouez aussi que les montées sur terre, avec des engins imparfaits, des dérives à n’en plus finir et des immenses gerbes de poussières, c’était bien aussi.
Les crashs
Les ratés ont été nombreux en presque cent ans de Pikes Peak. Le problème de la course est l’absence totale de barrières et de protection, avec, parfois, un dénivelé soudain et violent en cas de sortie de route. Certains pilotes en ont fait les frais avec des vidéos spectaculaires de tonneaux qui n’en finissent plus. Malheureusement, il y eut aussi des conséquences tragiques, notamment en 2019 avec la mort d’un pilote moto, Carlin Dunne, qui a fini dans le ravin à seulement quelques mètres de l’arrivée. Dangereuse en auto, encore plus en moto, la montée de Pikes Peak est photogénique, mais impardonnable.
2020 en danger ?
Les Etats-Unis sont désormais frappés par le coronavirus, et le Colorado ne déroge pas à la règle (600 cas, une dizaine de morts à l’heure actuelle – mars 2020). Pour l’instant, la course de Pikes Peak est toujours prévue pour la fin du mois de juin, mais selon l’évolution de la situation, les autorités pourraient prendre la même décision que celle du report des 24 Heures du Mans. Même si Pikes Peak réunit moins de monde, cela reste un évènement majeur sujet au report…