A une époque où l’on ne cesse de faire la guerre contre le téléphone au volant, les constructeurs mettent toujours plus d’écrans dans leurs voitures. Bien que cela ne soit pas tout récent, le phénomène s’est considérablement accéléré depuis que Tesla a présenté sa Model S, il y a déjà pratiquement dix ans. Avec sa tablette tactile géante, c’est cette voiture qui a lancé la course aux écrans, et qui pousse les marques à aller toujours plus loin, à l’instar de Mercedes et de son hyperscreen, qui pourra équiper la future EQS. Mais est-ce vraiment une bonne chose ? Est-ce qu’autant d’écrans ont vraiment leur place dans une voiture ? Il est légitime de se poser la question, d’autant que certains modèles emmènent plus d’écrans qu’il n’y en a dans la chambre d’un adolescent prépubère accro à Fortnite.
A la fin des années 2000, les écrans commençaient à devenir monnaie courante dans le monde de l’automobile. Mais à la différence d’aujourd’hui, ils n’équipaient que certains modèles, haut de gamme le plus souvent, parfois même en option. Comprenez qu’il était rare, pour ne pas dire impossible, de croiser une citadine avec un écran. Puis les années 2010 sont arrivées, et tout s’est accéléré, et pas forcément pour le mieux. Comme on vous le disait, c’est Tesla qui a tout déclenché, avec sa Model S et son écran démesuré. Même si les dalles tactiles commençaient à se démocratiser sur l’ensemble des gammes des différentes marques, même en série chez certaines, la firme Américaine a clairement accéléré le phénomène. Ce qui était auparavant réservé aux Série 7, A8 et C5 a commencé à débarquer sur les Série 1, A1, C3 et autres petits modèles.
Et c’est là qu’on pourrait se dire que c’est génial. Le fait de voir arriver des équipements de voitures très coûteuses sur des modèles plus accessibles est généralement une bonne chose. Mais pour les écrans, c’est un peu différent. Aujourd’hui, l’immense majorité des voitures dispose d’un seul écran tactile central, ce qui est amplement suffisant pour regrouper l’ensemble des fonctionnalités proposées. Ajoutez à cela l’instrumentation numérique qui commence elle aussi à se généraliser, et vous arrivez à un total de deux écrans. Avec ça, vous pouvez déjà facilement avoir accès aux données de conduite, au téléphone, à la musique par bluetooth ou encore au GPS.
Les marques auraient donc pu s’arrêter là. Mais elles se sont laissé prendre au jeu, et les écrans ont alors continué leur invasion. Certaines marques sont bien plus fortes que d’autres dans ce domaine, notamment les Allemandes. Si BMW a su rester rationnelle avec « seulement » deux écrans sur tous ses modèles (instrumentation numérique et écran central), Audi en met trois sur ses modèles les plus haut de gamme ! Une A6 par exemple, dispose du Virtual Cockpit, d’un écran central ainsi que d’un écran placé plus bas, dédié aux commandes de climatisation. Une Audi A8 en propose même 4, le dernier étant placé au dos de l’accoudoir central, destiné aux passagers arrière. Plus encore, une Porsche Taycan propose un écran supplémentaire situé en face du siège passager à l’avant.
Toutes les fonctionnalités autrefois commandées via des boutons physiques basculent désormais sur ces écrans. Sur le papier, il n’y a que des avantages, tout est centralisé ! Mais dans la pratique, quelle horreur… La cerise sur le gâteau, c’est la climatisation. Mais qui a pu penser que planquer la climatisation dans un sous menu d’un écran serait une bonne idée ? On n’a jamais rien trouvé de mieux que les bonnes vieilles molettes, bien plus intuitives et faciles à utiliser pour régler la température. Dans une Golf VIII, augmenter ou baisser d’un degré devient une véritable aventure lorsqu’on roule, mais l’opération est surtout dangereuse ! On passe plus de temps à essayer de se concentrer pour toucher l’écran au bon endroit plutôt qu’à regarder la route.
Les écrans ont également l’incroyable capacité à rendre toutes les planches de bord identiques et sans âme. Il y a encore une grosse dizaine d’années, les marques faisaient des efforts pour habiller leurs habitacles de matériaux nobles, raffinés, agréables aussi bien à toucher qu’à regarder. Maintenant, plus besoin pour eux de se casser la tête puisque la plus grande partie de la planche de bord sera recouverte par des écrans froids et fades. Oui c’est épuré, c’est design, mais où sont donc passées les planches de bords habillées de cuir, d’inserts en aluminium, de ronce de noyer ou même de chrome ? Bref, tout ce qui faisait le charme des voitures d’il y a quelques années. Heureusement, certains constructeurs résistent tant bien que mal à cette tendance douteuse, mais ils commencent à se faire de moins en moins nombreux. Bentley ne propose qu’un seul écran central dans ses voitures, le reste de la planche de bord étant habillée de bois, de carbone ou d’aluminium. BMW conserve toujours des commandes de climatisation physiques, bien moins dangereuses à utiliser ! Et puis il y a Mercedes, qui nous a présenté il y a quelques semaines l’Hyperscreen… Une horreur qui va de la portière droite à la portière gauche, qui masque l’intégralité de la planche de bord de l’EQS, et qui est déjà considérée comme la première cause de mortalité pour les futurs possesseurs de la grande berline électrique.
On peut comprendre que tous ces écrans créent un effet « waouh » quand on s’installe à bord de la voiture, mais cet effet se dissipe très rapidement après quelques trajets. Quand vous aurez failli avoir trois accidents pendant que vous réglez la température du chauffage, quand vous aurez passé une heure à effacer les traces de doigts de tous vos écrans, quand vous aurez été forcé d’apprendre par cœur le manuel d’utilisation de la voiture pour arriver à utiliser toutes ses fonctionnalités, vous en viendrez à regretter l’époque où une voiture n’avait qu’un volant, des compteurs, et des boutons partout. Tout cela laisse penser que les marques cultivent le progrès pour le progrès, et ce en dépit de toute forme d’ergonomie.
Les tableaux de bord sont beaucoup trop haut, même dans les petites voitures.