En partenariat avec la Formule E, nous allons tâcher de vulgariser ensemble quelques mystères techniques, avec l’aide de Jamy. Ainsi pour le sujet du jour, nous nous pencherons sur les boites de vitesses des Formule E et des voitures électriques actuelles, ayant (de plus en plus) qu’une seule vitesse !
Dans le cadre de notre papier sur la Koenigsegg Regera, nous évoquions que cette dernière avait la particularité d’avoir qu’une seule vitesse. Certains d’entre vous nous ont sollicité afin de comprendre pourquoi les voitures électriques avaient cette configuration. Réponse que l’on vous donnera aujourd’hui à l’aide de notre rubrique préférée : « Mais dit-moi Jamy ?« . Afin de répondre à la question « pourquoi les voitures électriques n’ont qu’une seule vitesse contrairement aux voitures thermiques ? », il faut également se demander pourquoi les voitures thermiques ont besoin de plusieurs rapports ?
Enfaîte c’est plutôt simple. Les voitures électriques ont (1) des moteurs qui permettent de mieux monter dans les tours, (2) sont plus efficientes sur la quasi-totalité de la plage d’accélération, et (3) ont un meilleur couple même à bas régime. Ainsi, alors qu’un moteur thermique aura besoin de plusieurs vitesses pour chercher suffisamment couple afin d’atteindre sa Vmax, un moteur électrique peut être réglé sur une seule vitesse pour atteindre rapidement cette Vmax, et sans concession à bas régime. Notez toutefois que pour votre culture générale (c’est cadeau!), les premières Formule E (2014) disposaient de 5 rapports, puis 4, puis 3, puis 2, et aujourd’hui (majoritairement) seulement un.
Exemple pratique.
Les voitures en Formule E ont une Vmax de 225 km/h, soit 62.5 m/s (mètres par seconde). De plus, ces dernières peuvent atteindre 20.000 tr/min, et leurs pneus arrières ont un diamètre de 0.68 mètre. Ainsi, posons un calcul où le rapport de vitesse sera l’inconnu :
- Vmax = (Tours par minute / Rapport de vitesse) x (Diamètre des pneus)
- 225 = (20 000 / Rapport de vitesse x 60) x (0.68*Pi)
- Rapport de vitesse = 11.4
Ainsi, avec la beauté que sont les mathématiques on peut aisément calculer (ci-dessus) le rapport de vitesse. Notez qu’il faudra multiplier le diamètre des pneus par Pi afin de logiquement obtenir la circonférence, ainsi que multiplié par 60 le rapport de vitesse pour passer de minutes en secondes. Et BOOM ! Quelques produits en croix dans tous les sens plus tard, on trouve un rapport de vitesse égal à 11.4.
Oui, et alors ? Cela signifie simplement que si nous avons un moteur électrique qui titille à 20.000 tr/min, couplé à un rapport de vitesse de 11.4, nous pouvons atteindre les 225 km/h sans avoir besoin de passer une seule vitesse. OK. Comme la plupart des voitures électriques dites « civilisées » sont limitées à 160 km/h, la marge est encore assez grande et une seule vitesse suffit amplement, même si on avait un moteur moins coupleux et/ou un rapport de vitesse plus agressif. C’est important de le dire, puisque c’est précisément le cas de la Renault Zoé et Nissan Leaf qui, sauf erreur, ne tournent pas encore en Formule E ! 😛
Pourquoi les moteurs thermiques ne pourraient pas avoir une seule vitesse ?
Que se passerait-il si nous prenions ce même rapport de vitesse (de 11.4) et que nous l’appliquions sur un moteur thermique qui titillerait qu’à 6 000 tr/min maximum ? Alors oui, dans le monde de la course automobile les voitures titilleront plus haut, mais 6 000 tr/min est la moyenne constatée pour les véhicules normaux. Et oui, les gens achètent des Clio, 208, C3, Fiesta, etc. C’est dingue hein ?
En repartant de la même formule, et en y adaptant les données, si notre voiture thermique utilisait le même rapport de vitesse qu’une Formule E, sa Vmax serait de 67.5 km/h. Pour atteindre ces 225 km/h, cette même voiture devrait disposer d’un rapport de vitesse beaucoup plus agressif. En effet, ce rapport de vitesse devra être de (reprise de la formule en remplaçant l’inconnu « rapport de vitesse » par « Vmax ») 3.4.
Pour conclure la démonstration résumée dans le tableau ci-dessous, pour atteindre une Vmax de 20 km/h avec un rapport de vitesse de 3.4, notre voiture dotée d’un moteur thermique n’aurait besoin que de titiller les 530 tr/min. Bien trop bas pour que notre moteur puisse fonctionner, et même s’il le pouvait, il aurait que très peu de couple. Nous pouvons ainsi affirmer que tous les moteurs thermiques modernes ne peuvent pas se passer d’une boite de vitesses à plusieurs rapports.
Source d’énergie | Tours par minute | Rapport de vitesse | Vmax |
Electrique | 20 000 | 11.4 | 225 km/h |
Essence | 6 000 | 11.4 | 67.5 km/h |
Essence | 6 000 | 3.4 | 225 km/h |
Essence | 530 | 3.4 | 20 km/h |
Puisque les voitures électriques ont plus de couple et sont efficientes sur une plus large plage d’accélération, une transmission ne ferait qu’ajouter de la complexité à la voiture, et cette dernière serait plus onéreuse à développer ainsi que plus lourde. Alors est-ce que cela signifie qu’une boite de vitesses est à proscrire sur une voiture électrique ? Ça dépend enfaîte… Car certaines voitures en Formule E disposent de plusieurs vitesses. Bien que Renault ait gagné le championnat constructeur avec une voiture dotée d’une seule vitesse, le champion (Lucas Di Grassi) disposait d’une boite de vitesse à 3 rapports sur son Audi.
Avantage d’une Formule E avec plusieurs rapports ?
Pour répondre à cette question, il faut observer notre graphique ci-dessous, fait maison sur Paint. On retrouve donc les tr/min en abscisse et la puissance de la voiture en ordonnée (réglementée en Formule E; 270 ch pour les qualifs, contre 225 ch en couse).
Afin d’atteindre la Vmax autorisé de 225 km/h en course, la voiture dotée d’une seule vitesse passera par une courbe d’accélération. Logique. En revanche, pendant cette même phase d’accélération (courbe verte), on observe que cette dernière est rapide puis stagne. On remarque également qu’il existe une marge confortable afin d’optimiser cette accélération très tôt dans les tours, comme l’illustre toute la zone en rouge.
Ainsi, grâce aux moteurs délivrant beaucoup de couple, il est possible avec une boite de vitesses à plusieurs rapports d’atteindre plus rapidement cette puissance réglementée (courbe rose avec des pointillés). Mais comme nous l’avons précisé précédemment, cela augmente automatiquement les risques d’avaries (plus de complexité technique), rajoute un peu plus de poids, et tire d’avantage sur l’autonomie de la batterie. C’est alors que les écuries de Formule E sont face à un dilemme stratégique !